De bric et de broc, un joyeux bric à brac, çà casse pas des briques, vive le shabby chic !
A certains, le vieux, l’usé, l’usagé, le patiné, le réparé, le cabossé, le reprisé, le déglingué, le dépareillé font horreur. Rebutés par l’objet au rebut, ils lui préfèrent le neuf, le vierge, le jeune, le sans taches, le sans griffes, le sans coups ni blessures, le sans expérience. Peut-être pour mieux se l’approprier ? Peut-être par goût de la netteté, de l’impeccabilité ? Peut-être par envie de vivre au présent et au futur plutôt qu’au passé qu’il soit simple ou composé ! Ceux là ne perdront leur temps ni à courir brocantes, antiquaires, vide-greniers, dépôts ventes, marchés aux puces ou salles des ventes, ni à parcourir les petites annonces de la presse ou des sites spécialisés.
A d’autres, c’est tout le contraire, c’est impératif, le passé les attire, est-il donc plus que parfait à leurs yeux ? Non pas qu’ils détestent le présent auxquels ils participent forcément, ni le futur qu’ils préfèrent antérieur… évidemment ! Sans doute aiment-ils les chasses au trésor de leur enfance ? Peut-être ont-ils été très proches de leurs grands-parents ? Possible qu’ils aient une vocation de chineur dénicheur de secrets enfouis ? Pour sûr, sans être nécessairement nostalgiques ni adeptes du « c’était mieux avant », ils apprécient et reconnaissent l’expérience des anciens, la valeur du travail manuel d’antan, les matériaux naturels utilisés, les techniques développées avec les ressources locales, le charme émanant de la façon d’autrefois, ce temps où l’on prenait le temps de façonner.
Vies d’objets manipulés par maintes mains, plus ou moins délicates, plus ou moins gauches, plus ou moins adroites. Objets utiles ou inutiles. Le furent-ils ? Le sont-ils devenus ? Objets humbles du quotidien humain. Objets pratiques ou absurdes. Objets inventés, imaginés, manufacturés ou usinés. Objets délaissés dans les placards, les greniers, les caves, les granges, parfois durant des décennies. Puis ressurgis d’un passé oublié ou parfois lourd de souvenirs heureux ou malheureux. Les revoici source d’émerveillement pour l’enfant ou l’adulte qui les redécouvre et s’invente un monde imaginaire ou cherche la clé de l’énigme… A quoi servais-tu donc ? Quel âge as-tu ? D’où vient cette pièce étrange ? Les revoici source de revenus pour le particulier ou le professionnel qui les met en vente dans leur jus ou après les avoir réparés, nettoyés, astiqués, voire customisés, relookés, transformés, remis au goût du jour, shabby-chic-qués (chiqués ?!) pour séduire de nouveaux propriétaires qui transmettront ces compagnons d’un temps ou s’en lasseront à leur tour, s’en séparant ou les oubliant. Ainsi seront alimentées les brocantes de demain, les quêtes des collectionneurs, chineurs et autres promeneurs du dimanche. Car l’échelle du temps se déplace sans cesse et l’ancien neuf devient vieux à son tour, suscitant de nouveaux rejets et de nouveaux engouements.
Bonne chine !
Exemple de transformation d'un cadre chiné (visible dans la chambre Tilleul au dessus du lit en loupe d'orme qui lui fait écho) : des ancêtres inconnus et oubliés par leur propre famille revivent sous un voile de mousseline brodée par une de mes aïeules.